Extraits pertinents:

[12]        Lors de l’audience du 2 septembre 2015, la travailleuse était représentée et la preuve n’a porté que sur la requête incidente. Le soussigné a rendu sa décision séance tenante, refusant le dépôt de la preuve Facebook, dont voici les motifs.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[13]        La travailleuse explique, à l’audience, que les paramètres de sa page Facebook sont réglés pour être privés et non publics. Elle contrôle donc qui peut avoir accès à ses données Facebook. Elle précise cependant avoir eu deux employés amis Facebook chez l’employeur en 2013, mais a cessé d’être amie avec ces derniers par la suite.

[14]        Finalement, la travailleuse déclare que madame Claire Gagnon, l’ancienne directrice générale chez l’employeur, lui a déjà demandé des informations Facebook concernant une autre employée à une certaine époque, ce qu’elle a refusé de faire. Il s’agissait de madame Patricia Thivierge.

[15]        Pour sa part, l’employeur, a fait témoigner madame Paule Laprise, actuelle directrice générale chez l’employeur. Cette dernière a essentiellement expliqué que sa prédecesseure, madame Claire Gagnon, a obtenu une copie des publications de la page Facebook de la travailleuse. Madame Gagnon a donc remis cette preuve à madame Laprise, mais a refusé de donner le nom de sa source. Aucun motif n’a été soumis au tribunal pour expliquer pourquoi l'employeur a voulu obtenir cet élément de preuve.

[...]

[22]        Finalement, la travailleuse a consulté les pages de son compte Facebook, que son employeur avait en sa possession et en confirme l’authenticité, tel que requis par l’article 2855 du C.c.Q. et la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[10] :

  1. 2855. La présentation d'un élément matériel, pour avoir force probante, doit au préalable faire l'objet d'une preuve distincte qui en établisse l'authenticité. Cependant, lorsque l'élément matériel est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information(chapitre C-1.1), cette preuve d'authenticité n'est requise que dans le cas visé au troisième alinéa de l'article 5 de cette loi.

[...]

[24]        En l’espèce, et suivant les dispositions du C.c.Q. et de la L.j.a. précités, pour disposer de l’admissibilité de la preuve Facebook, il faut répondre aux questions suivantes :

1-   Les conditions dans lesquelles l’élément de preuve a été obtenu portent-elles atteinte aux droits et libertés fondamentaux ?

Si oui :

2-    L’utilisation de cette preuve est-elle susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?

[...]

[61] Dans la présente affaire, le Tribunal administratif du travail est d’avis que la preuve obtenue par l’employeur, à partir du compte Facebook de la travailleuse, n’est pas admissible en preuve puisque l’employeur n’a démontré aucun motif permettant une telle atteinte à la vie privée. Il a simplement plaidé que la recherche de la vérité justifiait l’utilisation d’une telle preuve, même si obtenue en violation des droits fondamentaux de la travailleuse. L’employeur n’a pas non plus démontré un intérêt, une motivation ou une finalité sérieuse pour s’approprier, à l’insu de la travailleuse, du contenu de sa page Facebook, dans le but de découvrir, peut-être, un éventuel manque d’honnêteté.

[62]       Le soussigné adhère au courant jurisprudentiel qui veut que des motifs justifiant l’obtention d’une preuve, dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux, soient nécessaires. Si tel n’est pas le cas, il y a d’emblée déconsidération de l’administration de la justice et la preuve doit être exclue.

[63]     La preuve révèle que l’employeur a obtenu la preuve Facebook de la travailleuse par un subterfuge, via un tiers qui demeure inconnu. La preuve non contredite de la travailleuse démontre d’ailleurs que l’employeur n’en est pas à ses premiers pas dans ce genre de subterfuge, puisqu’elle-même a déjà fait l’objet d’une demande de son employeur, pour qu’elle lui divulgue le contenu du profil Facebookd’une collègue de travail. Le moyen frauduleux, utilisé par l’employeur pour obtenir les informations Facebook de la travailleuse, fait présumer que ce dernier ne pouvait pas avoir accès à ces informations par d’autres moyens plus légitimes. Il y a donc présomption de fait, puisque l’employeur a utilisé la même façon de faire qu’il a déjà utilisé, pour obtenir les informations Facebook de la travailleuse. Ces faits sont graves, précis et concordants.

[...]

[67]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal administratif du travail rejette l’élément de preuve Facebook, obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la travailleuse et ce, compte tenu que l’employeur n’a invoqué aucun motif pour procéder à cette intrusion dans la vie privée de cette dernière.


Dernière modification : le 26 avril 2017 à 16 h 31 min.