La question de la production d’originaux électroniques ou de copies numériques devant les tribunaux reste entière (CA Caen 5 mars 2015, Jurisprudence, TiPi Printemps 2015, E. Caprioli, CCE, mai 2015, Comm. n°47 ; CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 26 juin 2014, E. Caprioli, CCE. 2014, comm. 90 ; CA Nancy, ch. civ. 2, 14 févr. 2013, E. Caprioli, Première décision sur la preuve et la signature électroniques d'un contrat de crédit à la consommation, CCE 2013, étude 11 ; JCP G 2013, n° 18, comm. 497 ; CA Douai, 8e ch., 1re sect, 2 mai 2013, E. Caprioli, CCE. 2014, comm. 22). Dans son arrêt du 4 juillet 2014, la Cour d’appel de Lyon a dû répondre à la question de savoir si, à défaut de produire des originaux, des copies de contrats numérisés et archivés sont valablement recevables en justice pour prouver leur existence et leur régularité.

En l’espèce, une banque, se prévalant de créances impayées, a assigné en paiement les époux A. pour des prêts contractés individuellement et solidairement. Mais le juge  d’instance l’a débouté de toutes ses demandes en remboursement dans un jugement du 29 janvier 2013 au motif que

« la caisse ne produisait pas les originaux des offres préalables des contrats de crédit sur lesquelles elle fonde ses demandes ».

Cette obligation incombant à la banque de fournir les offres de crédit originales par écrit provient de  l’action conjuguée de l ’article L. 311-8 du Code de la consommation qui prévoit la remise en double exemplaire à l’emprunteur de  l’offre préalable de contrat de crédit à laquelle il a souhaité conclure, et de l’article 1341 du Code civil qui exige la production  d’un acte écrit, authentique ou sous seing privé, dès lors que la somme en jeu dans le contrat excède 1 500 euros. Cette dernière interjeta alors appel et demanda que lui soit appliquée  l’exception de  l’article 1348 du code civil en raison de son impossibilité  d’établir un écrit résultant  d’une perte involontaire des contrats durant la mise en place en interne  d’un système de dématérialisation et  d’archivage électronique de documents.

Sauf que par cette décision, la Cour d’appel de Lyon a confirmé l’absence de preuves versées par la banque pour étayer ses demandes en remboursement. En effet, la Cour a constaté que

« la Caisse de crédit Mutuel n’a produit aucune copie des exemplaires des offres de crédit litigieuses qui auraient été numérisées ».

En outre, les juges de la Cour d’appel rejettent en l’espèce l’application de  l’exception de  l’article 1348 du Code civil, et donc l’existence d’un cas fortuit, car  d’une part, la banque ne démontre pas que les trois offres de crédit litigieuses ont été égarées durant la mise en place par le groupe bancaire d’un système d’archivage électronique de documents, et d’autre part elle ne justifie pas de la signature et de l’acceptation par les emprunteurs des conditions générales stipulant que le contrat numérisé par la banque a la même force probante que l’original. Enfin, la Cour d’appel juge également que la banque ne peut se prévaloir  d’un commencement de preuve par écrit en vertu de  l’article 1347 du Code civil car celui-ci doit émaner « de celui contre lequel la demande est formée »,  c’est-à-dire en l ’occurrence des débiteurs et non  d’elle même.

Au demeurant, les juges de la Cour  d’appel ne se prononcent pas sur la recevabilité en justice de copies de contrats numérisés et archivés comme mode de preuve. Mais conformément au courant jurisprudentiel actuel, cette décision  n’entérine pas le refus de leur octroyer une force probante puisque la Cour aurait permis à la banque de  s’affranchir de rapporter une preuve écrite originale de ces offres préalables si cette dernière avait seulement caractérisé la réalité de leur perte par cas fortuit et qu’elle avait effectivement versées leurs copies d’archives « fidèles et durables » aux débats au sens de l’article 1348 al. 2 C.Civ (CA Douai 4 avril 2013, Inédit).


Dernière modification : le 31 juillet 2015 à 9 h 46 min.