Extraits pertinents: 

[28] Eu égard au premier chef, l'appelant est accusé d'avoir omis de répondre à la correspondance de l'intimée.  La plainte est portée en vertu de l'article 4.03.02 du Code de déontologie :

« 4.03.02. Le chiropraticien doit répondre dans les plus brefs délais à toute correspondance provenant de l'Ordre, du syndic, des enquêteurs ou des membres du comité d'inspection professionnelle. »

(Soulignement du Tribunal.)

[29]  Le Petit Robert définit « correspondance » comme suit :

« CORRESPONDANCE : Relation par écrit entre deux personnes;  échange de lettres.

CORRESPONDRE : Avoir des relations par lettres (avec qqn.). » [23]

[30] Il va de soi que l'on exige un écrit et que, quant au premier chef, on ne peut certainement pas se contenter d'une demande verbale provenant de l'intimée.

[31] On ne peut non plus considérer les lettres envoyées par télécopieur puisque, de l'aveu même de l'intimée, elles ont été envoyées à un numéro ne correspondant pas à celui de l'appelant.  On en est donc restreint aux envois par courrier électronique, le 3 novembre 2003 et le 31 mars 2004.

[32] Les lois se sont modernisées et tout moyen de communication écrit entre dans la définition de correspondance.  Depuis le 1er janvier 1994, le Code civil du Québec, au chapitre de la Preuve, prévoit que l'écrit est un moyen de preuve quel que soit le support du document[24].

[33] La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information[25] prévoit :

« 2.[Choix du support ou de la technologie]  À moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un support ou d'une technologie spécifique, chacun peut utiliser le support ou la technologie de son choix, dans la mesure où ce choix respecte les règles de droit, notamment celles prévues au Code civil.

[Supports interchangeables]  Ainsi, les supports qui portent l'information du document sont interchangeables et, l'exigence d'un écrit n'emporte pas l'obligation d'utiliser un support ou une technologie spécifique.

28. [Mode transmission]  Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un mode spécifique de transmission.

[Poste ou courrier]  Lorsque la loi prévoit l'utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l'utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d'un document technologique, au moyen d'un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.

[Adresse]  Lorsque la loi prévoit l'envoi ou la réception d'un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d'un document technologique, d'un identifiant propre à l'emplacement où le destinataire peut recevoir communication d'un tel document.

31. [Présomption de transmission]  Un document technologique est présumé transmis, envoyé ou expédié lorsque le geste qui marque le début de son parcours vers l'adresse active du destinataire est accompli par l'expéditeur ou sur son ordre et que ce parcours ne peut être contremandé ou, s'il peut l'être, n'a pas été contremandé par lui ou sur son ordre.

[Présomption de réception et d'intelligibilité]  Le document technologique est présumé reçu ou remis lorsqu'il devient accessible à l'adresse que le destinataire indique à quelqu'un être l'emplacement où il accepte de recevoir de lui un document ou celle qu'il représente publiquement être un emplacement où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où cette adresse est active au moment de l'envoi. Le document reçu est présumé intelligible, à moins d'un avis contraire envoyé à l'expéditeur dès l'ouverture du document.

[Bordereau d'envoi et accusé de réception]  Lorsque le moment de l'envoi ou de la réception du document doit être établi, il peut l'être par un bordereau d'envoi ou un accusé de réception ou par la production des renseignements conservés avec le document lorsqu'ils garantissent les date, heure, minute, seconde de l'envoi ou de la réception et l'indication de sa provenance et sa destination ou par un autre moyen convenu qui présente de telles garanties. »

(Soulignements du Tribunal.]

[34] La Loi sur la preuve au Canada tient également compte des nouvelles technologies[26].

[35] Faut-il le répéter, le droit disciplinaire est un droit sui generis tirant ses principes à la fois du civil et du criminel.  Dans l'un et l'autre cas, on en revient au même critère : la preuve de réception.  Il s'agit d'un élément essentiel pour établir la culpabilité.

[36] Pour tenir l'appelant en défaut de répondre, il faut établir qu'il a reçu la correspondance.  Le courrier électronique est un moyen de communication admis mais, comme pour tout autre moyen, il faut en établir la réception, notamment quand en dépend une conséquence grave[27].  Le juge Jean Guibault écrit :

« [27]   Si effectivement l'avis est écrit et envoyé soit par télécopie soit par courrier électronique, il s'agira essentiellement d'une question de preuve quant à l'envoi et la réception et non de validité de l'avis […]. »[28]

[37] D'ailleurs, l'intimée admet dans son mémoire :

« Certes, pour que l'appelant puisse être déclaré coupable d'avoir fait défaut de répondre à la correspondance de la syndic-adjointe et d'avoir omis de lui transmettre les documents demandés, celle-ci devait faire la preuve du fait que l'appelant avait bel et bien eu connaissance de ses demandes. »[29]

[38] L'intimée, toujours dans son mémoire, ajoute :

« Or, tant la preuve documentaire (P-2a, P-2b et P-2c), que le témoignage de l'intimée elle-même, ainsi que celui de Mme Giguère, démontrent que l'intimée a informé l'appelant de ses demandes en ayant recours à divers moyens, dont celui de la demande en personne. »[30]

[39] C'est une secrétaire ou réceptionniste qui a donné, sans restriction, l'adresse « chiropratiquesantéplus@qc.aira.com ».  La preuve prépondérante veut qu'il s'agisse non seulement d'une adresse dont l'appelant se servait plus ou moins, mais d'un fonctionnement déficient, notamment aux périodes concernées.

[40] Si la réception est niée, comme c'est le cas ici, c'est à l'expéditeur à prouver la réception.  L'intimée n'a pas apporté une preuve prépondérante de cette réception.

[41] Le premier chef d'accusation fait référence à une offense bien précise : « […] omis de répondre […] à la correspondance […]. »

[42] La décision du Comité, au chapitre de l'appréciation de la preuve, comporte deux pages.

[43] Le Comité considère l'attitude générale de l'appelant comme négligente, mais ne s'arrête nullement sur la question de savoir si l'appelant a reçu ou non la correspondance de l'intimée.  Il écrit :

« [27]   Le Comité, même en ne tenant pas compte des envois par courrier électronique, considère que le comportement de l'intimé a démontré une attitude inconséquente.

[28] Le Comité est très perplexe face aux nombreuses excuses de l'intimé.

[29] Qu'il s'agisse de son système de courrier électronique qui fonctionne difficilement, de son personnel qui commet des erreurs, de ses changements d'adresse qui ne sont pas conformes, de son incompréhension de demandes très simples de la part de la plaignante, cela affecte la crédibilité de l'intimé. »[31]

(Soulignement du Tribunal.)

[44] Il semble de cette phrase que le Comité ait été lui aussi convaincu que l'appelant n'avait pas reçu ces envois par courrier électronique.  Or, si les envois par télécopieur ont été faits à la mauvaise adresse et si les envois par courrier électronique n'ont pas été reçus par l'appelant, il ne reste plus aucune correspondance, puisque les autres demandes sont verbales.

[45] D'ailleurs, le reste de la décision du Comité laisse voir qu'il tient surtout compte de ces demandes verbales.  Or, sous le premier chef, ce dont l'appelant est accusé c'est de n'avoir pas répondu à de la correspondance, c'est-à-dire à un ou des écrits.  Non seulement n'y a-t-il pas d'appui pour supporter la conclusion du Comité, mais au contraire, dans les circonstances, la décision n'est pas raisonnable;  elle est même manifestement déraisonnable.

[46] Ainsi, répondant aux trois questions, le Tribunal déclare pour le chef 1 :

[...]

Question 2) :      Une demande envoyée par courrier électronique satisfait aux exigences prévues au Code des professions;

[...] 


Dernière modification : le 10 janvier 2013 à 10 h 48 min.