Extraits pertinents

La cession de créance est-elle opposable à Caron et est-elle valide?

[32]        Le premier argument soulevé par Caron est que la signification d'un extrait de la cession de créance ou d'une copie n'est pas suffisante. La cession de créance ne lui est pas opposable.

[33]        C'est l'article 1641 du Code Civil du Québec (" C.c.Q. ") qui pose les conditions d'opposabilité d'une cession de créance :

"1641La cession est opposable au débiteur et aux tiers, dès que le débiteur y a acquiescé ou qu'il a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de cession ou, encore, une autre preuve de la cession qui soit opposable au cédant.

Lorsque le débiteur ne peut être trouvé au Québec, la cession est opposable dès la publication d'un avis de la cession, dans un journal distribué dans la localité de la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il exploite une entreprise, dans la localité où elle a son principal établissement. " (Le Tribunal souligne)

[34]        Le procès-verbal de l'huissier atteste que le 30 septembre 2010, Caron reçoit signification d'un extrait de la cession de créance. Le document produit au dossier de la Cour annexé à ce procès-verbal de signification, convainc le Tribunal que Caron a bel et bien reçu un extrait pertinent de l'acte de cession qui lui est donc opposable.

[35]        Au procès, HFC n'a pas produit l'original de la cession de créance, mais une copie attestée " copie conforme " par son administrateur Bouchard.

[36]        Le procureur de Caron s'y objecte en invoquant la règle de la meilleure preuve posée par l'article 2860 C.c.Q. :

" 2860L'acte juridique constaté dans un écrit ou le contenu d'un écrit doit être prouvé par la production de l'original ou d'une copie qui légalement en tient lieu.

Toutefois, lorsqu'une partie ne peut, malgré sa bonne foi et sa diligence, produire l'original de l'écrit ou la copie qui légalement en tient lieu, la preuve peut être faite par tous moyens.

À l'égard d'un document technologique, la fonction d'original est remplie par un document qui répond aux exigences de l'article 12 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (chapitre C-1.1) et celle de copie qui en tient lieu, par la copie d'un document certifié qui satisfait aux exigences de l'article 16 de cette loi. " (Le Tribunal souligne)

[37]        Le Tribunal a pris l'objection sous réserve et considère maintenant les arguments écrits qui lui ont été soumis à cet égard par les procureurs des parties.

[38]        Il est fait exception à la règle voulant que l'original d'un écrit doit être produit dans la mesure où une " copie qui légalement en tient lieu" est produite.

[39]        Or, une photocopie attestée par un représentant d'une personne morale constitue une copie qui tient légalement lieu d'un original, aux termes de l'article 2841 C.c.Q. :

" 2841. La reproduction d'un document peut être faite soit par l'obtention d'une copie sur un même support ou sur un support qui ne fait pas appel à une technologie différente, soit par le transfert de l'information que porte le document vers un support faisant appel à une technologie différente.

Lorsqu'ils reproduisent un document original ou un document technologique qui remplit cette fonction aux termes de l'article 12 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (chapitre C-1.1), la copie, si elle est certifiée, et le document résultant du transfert de l'information, s'il est documenté, peuvent légalement tenir lieu du document reproduit.

La certification est faite, dans le cas d'un document en la possession de l'État, d'une personne morale, d'une société ou d'une association,par une personne en autorité ou responsable de la conservation du document. " (Le Tribunal souligne)

[40]        Les auteurs Jean-Claude Royer et Sylvie Lavallée, dans leur traité sur La Preuve civile[5] traitent ainsi de cet article et de la valeur d'une copie " certifiée conforme " :

" 1270 – Droit antérieur au Code civil du Québec (…)

Les nouveaux articles 2841 et 2842 du Code civil du Québec ont aussi étendu le champ d'application de la reproduction des documents pour tenir compte des nouvelles dispositions sur les documents technologiques.

L'ancienne Loi sur la preuve photographique de documents réglementait la preuve photographique de certains documents détruits et reproduits conformément à cette loi. L'ancien article 2841 du Code civil du Québec permettait la reproduction des documents sans exiger que celle-ci s'effectue par un recours à la photographie. Selon le premier alinéa du nouvel article 2841 C.c.Q., la reproduction d'un document peut être faite soit par l'obtention d'une copie sur un même support ou sur un support qui ne fait pas appel à une technologie différente, soit par le transfert de l'information que porte le document vers un support faisant appel à une technologie différente.

1271 – Documents visés – Contrairement à l'ancienne Loi sur la preuve photographique de documents, le Code civil du Québec ne contient aucune exigence particulière concernant l'âge du document reproduit. Par ailleurs, les anciens articles 2840 à 2842 du Code civil du Québec réservaient à l'État et aux personnes morales de droit public ou de doit privé le doit de prouver la teneur d'un document, au même titre que l'original, par le dépôt d'une copie ou d'une extrait suffisant de la reproduction. Les articles 2841 et 2842 du Code civil du Québec ne contiennent plus cette limitation. Aussi, toute personne physique ou morale peut maintenant se prévaloir des règles énoncées dans le Code civil du Québec concernant la reproduction des documents. Des législations statutaires particulières peuvent parfois limiter le droit de détruire et de reproduire certains documents.

1272 – Condition de recevabilité – Le deuxième alinéa de l'article 2841 du Code civil du Québec déroge à la règle de la meilleure preuve. Celui-ci énonce que la copie du document reproduit, si elle est certifiée, ou le document résultant du transfert, s'il est documenté peuvent légalement tenir lieu du document reproduit.

1274 – Certification et documentation – La certification est faite, dans le cas d'un document en la possession de l'État, d'une personne morale, d'une société ou d'une association, par une personne en autorité ou responsable de la conservation du document. " (Le Tribunal souligne)

[41]        Vu ce qui précède, la copie attestée par l'administrateur de HFC tient lieu de l'original et l'objection formulée par le procureur de Caron est rejetée.


Dernière modification : le 5 juin 2015 à 9 h 08 min.