[...]

[25]      Me Irina Croitoriu, avocate de l’entreprise, soutient que tous les renseignements personnels concernant le demandeur et détenus par l’entreprise lui ont été transmis, à l’exception des renseignements personnels concernant des tiers. L’accès à ceux-ci est refusé selon les articles 2, 10 et 40 de la Loi sur le privé.

[26]      Les renseignements masqués aux documents papier et l’enregistrement dont l’accès est refusé constituent tous des renseignements qui permettent d’identifier un plaignant. Elle souligne que l’enregistrement dont l’accès est totalement refusé permettrait d’identifier le plaignant par les détails qui y sont décrits mais aussi par sa voix, puisque le demandeur a reconduit cette personne.

[27]      Elle souligne que l’article 10 de la Loi sur le privé impose à l’entreprise une obligation de protéger les renseignements personnels qu’elle détient et que les clients de l’entreprise s’attendent à ce que leur identité soit protégée lorsqu’ils portent plainte. La divulgation de renseignements permettant de les identifier serait susceptible de leur causer préjudice, par exemple de les exposer à des poursuites ou à d’autres formes de représailles.

[28]      Quant à l’enregistrement du 17 mai 2015 à 22 heures, Me Croitoriu soutient que la preuve démontre qu’il a été remis dans son intégralité au demandeur. Il appartient alors au demandeur de démontrer le contraire, ce qu’il n’a pas fait.

[29]      Elle souligne que le demandeur est à la recherche d’un document dans lequel il est accusé d’agression alors que ce document n’existe pas, tel qu’en fait foi le témoignage de M. Latour.

[30]      Pour sa part, le demandeur soutient vouloir défendre ses droits, sa dignité et sa réputation conformément à ce que prévoient les dispositions du Code civil du Québec et de la Charte des droits et libertés de la personne[2]. Il ajoute que s’il était accusé au criminel, il pourrait obtenir le détail des faits reprochés et l’identité de la victime alors qu’il a été congédié sans pouvoir obtenir ces informations. S’il connaissait l’identité du plaignant, il pourrait se défendre et faire corriger les renseignements qui sont erronés.

[31]      Il argue que l’entreprise n’a pas démontré, conformément aux dispositions de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[3], que l’intégrité des copies des enregistrements des conversations téléphoniques déposées en l’espèce a été assurée et qu’elles n’ont pas été altérées. Il considère que son témoignage et l’enregistrement de la conversation entre M. Latour et lui du 19 mai 2015 démontrent que l’enregistrement du 17 mai 2015 à 22 heures est incomplet. Il demande à la Commission d’ordonner le dépôt des disques durs de l’entreprise qui contiennent ces enregistrements afin d’avoir l’entièreté de la conversation téléphonique.

[32]      L’entreprise s’est objectée à cette demande et la Commission a pris cette objection sous réserve pour en disposer dans la présente décision.

[33]      Le demandeur déplore le fait que l’envoi des documents très peu de temps avant l’audience ne lui a pas permis de démontrer que ce n’est pas lui qui a posé les gestes qu’on lui reproche. Il affirme qu’il n’est pas dangereux.

[...]

[37]      La Commission a écouté l’ensemble des enregistrements des conversations téléphoniques entre le demandeur et les représentants de l’entreprise, dont la conversation du 17 mai 2015 à 22 heures.

[38]      Cette dernière conversation commence par la composition du numéro de téléphone, des salutations et se termine clairement par des propos indiquant que l’un des interlocuteurs met fin à la conversation et raccroche. On entend distinctement le son caractéristique d’une personne qui raccroche après avoir salué son interlocuteur.

[39]      De plus, M. Latour, témoin crédible, affirme sans hésitation qu’il n’est pas possible de retirer uniquement un extrait du système numérique enregistrant les conversations téléphoniques.

[40]      Le demandeur affirme qu’il manque cinq à dix minutes à cette conversation. Il soutient que la conversation du 19 mai avec M. Latour prouve cette affirmation parce qu’il réfère aux propos tenus dans la portion qui serait manquante à la conversation du 17 mai 2015 de 22 heures.

[41]      L’écoute de la conversation du 19 mai révèle effectivement que le demandeur invite M. Latour, à deux reprises, à écouter l’enregistrement de la conversation téléphonique du 17 mai à 22 heures pour entendre les reproches d’agressivité formulés par le représentant de l’entreprise qui a annoncé au demandeur son congédiement.

[42]      Peut-être que ces propos, s’ils ont été tenus, l’ont été à un autre moment que lors de la conversation du 17 mai 2015 à 22 heures. En effet, dans cette conversation, le représentant de l’entreprise indique au demandeur qu’il est congédié pour les motifs et les reproches qui lui ont déjà été exposés.

[43]      Tel qu’indiqué précédemment, l’écoute de l’enregistrement du 17 mai 2015 à 22 heures, de par son contenu (composition du numéro, salutations, conversation puis au revoir et son de la ligne qui se coupe), ne laisse pas croire que la conversation se soit poursuivie au-delà de ce qui est enregistré.

[44]      Par ailleurs, rien ne semble indiquer que l’enregistrement ait été modifié ou que des passages aient été supprimés. Le fil de la conversation est cohérent et il apparaît clairement à son écoute que le représentant de l’entreprise n’a pas l’intention de prolonger la conversation et ne souhaite pas élaborer sur les motifs du congédiement et sur les reproches de l’entreprise envers le demandeur.

[45]      Enfin, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, invoquée par le demandeur pour mettre en doute l’intégrité et, par conséquent, la recevabilité de cet enregistrement, prévoit :

  1. Il n’y a pas lieu de prouver que le support du document ou que les procédés, systèmes ou technologies utilisés pour communiquer au moyen d’un document permettent d’assurer son intégrité, à moins que celui qui conteste l’admission du document n’établisse, par prépondérance de preuve, qu’il y a eu atteinte à l’intégrité du document. (nos soulignements)

[46]      La Commission considère que le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau et que la preuve prépondérante démontre plutôt que le document n’a pas été altéré et qu’il est complet.

[47]      En conséquence, la Commission considère qu’il n’est pas pertinent d’ordonner à l’entreprise de produire les disques durs contenant les enregistrements « originaux » de cette conversation téléphonique, comme le requiert le demandeur.

[48]      Sur ce point, la Commission conclut donc qu’aucun élément de preuve ne permet de douter de l’affirmation de l’entreprise selon laquelle tous les renseignements personnels qu’elle détient au sujet du demandeur lui ont été remis, à l’exception de ceux dont l’accès est refusé en vertu de dispositions de la Loi sur le privé.

 

 


Dernière modification : le 4 juillet 2017 à 13 h 57 min.