Extraits pertinents :

[1] La demanderesse réclame du défendeur, avec qui elle a partagé sa vie quelques mois, le remboursement de certaines sommes qu’elle a prêtées à ce dernier, le tout jusqu’à concurrence de 15 000 $.

[2] Les parties se sont rencontrées le 8 novembre 2014 et ont débuté une relation amoureuse vers le 14 décembre suivant.

[3] Le 19 janvier 2015, madame Legault émet un chèque à l’ordre de monsieur Robitaille au montant de 14 500 $, lequel ne contient aucune indication concernant l’objet de ce paiement.

[4] Par la suite, la demanderesse procure une carte de crédit à son conjoint, laquelle est reliée à son compte bancaire afin qu’elle puisse accumuler des points bonis. Ce dernier effectue plusieurs achats avec cette carte et ce, jusqu’à concurrence d’environ 3 642 $.

[5] Les parties rompent en septembre 2015.

[8] Dans sa réclamation, la demanderesse sollicite le remboursement du montant de 14 500 $ faisant l’objet du chèque du 19 janvier 2015, celui-ci ayant été prêté au défendeur, prétend-elle, pour qu’il rembourse sa marge de crédit. Cette preuve n’a pas été contredite par le principal intéressé et il a même admis, en cours d’audience, la véracité de cette version.

[9] Madame Legault réclame également une partie des sommes qui ont été mises au compte de la carte de crédit pour le bénéfice personnel de monsieur Robitaille, soit 1 583,24 $, dont elle ne requiert cependant que 500 $ afin de ne pas dépasser le seuil de 15 000 $ prévu à l’article 536 du Code de procédure civile.

[11] Madame Legault prétend que monsieur Robitaille a reconnu lui devoir des sommes d’argent, invoquant des messages par texto échangés entre les parties [2] et un échange Facebook entre le défendeur et sa mère [3] où cette dernière, s’adressant à son fils, lui suggère de repenser sérieusement au remboursement du prêt dû à la demanderesse.

[12] Le défendeur s’oppose à la recevabilité des deux derniers moyens de preuve, prétextant que leur obtention est illégale et qu’aucune preuve de l’authenticité de ces documents n’a été démontrée.

[16] Chaque partie doit, en principe, assumer le fardeau de démontrer la justesse de ses prétentions par prépondérance de preuve (articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec).

[18] Malgré la prohibition d’une preuve testimoniale, l’article 2862(2) permet à une partie de prouver un acte juridique dont la valeur excède 1 500 $ en présence d’un commencement de preuve, lequel est défini à l’article 2865 du même code :

« 2865. Le commencement de preuve peut résulter d’un aveu ou d’un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d’un élément matériel, lorsqu’un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué. »

[23] Concernant le solde réclamé de 500 $, la même conclusion s’imposera, mais cette fois-ci à cause de l’admission contenue aux paragraphes 25 et 26 de la contestation.

[24] Qui plus est, cette conclusion concorde avec l’admission faite par le défendeur dans les messages par texto échangés avec la demanderesse où il mentionne, le 3 novembre 2015 à 12 h 29 : « [..] ça me ferais(sic) $5,000 de moin(sic) a(sic) te rembourser. ».

[25] Cette preuve est valable eu égard aux principes énoncés aux articles 2837 et 2860(3) C.c.Q. ainsi que selon les dispositions contenues à la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information [5].

[26] En ce qui concerne la page Facebook, il ne s’agit pas comme tel d’une reconnaissance de dette du défendeur puisque ce n’est pas ce dernier qui s’exprime, mais bien sa mère. Ce document pourrait cependant constituer un commencement de preuve supplémentaire au sens de l’article 2865 C.c.Q.

[27] La demanderesse prétend que ce document, tiré du site Facebook du défendeur, n’a pas été obtenu illégalement puisqu’elle l’a eu dans les circonstances suivantes.

[28] Elle avait prêté son portable à monsieur Robitaille, qui avait ouvert une session Facebook. Lorsque les parties ont rompu, ce dernier a remis l’ordinateur à madame Legault sans y fermer sa connexion, de sorte qu’elle a pu consulter sa page personnelle et en tirer l’extrait déposé.

[29] Les tribunaux ont déjà décidé que sont irrecevables les courriels obtenus en accédant à la boîte de courriels d’une partie sans sa permission [6].

[30] Par contre, il a également été décidé que sont recevables les communications provenant de la boîte de courriels personnelle d’un employé, facilement accessible sans mot de passe, lorsque celui-ci n’a pris aucune disposition afin de la rendre inaccessible après avoir quitté son emploi, circonstances similaires aux faits en litige [7].

[31] De même, la production de courriels échangés entre un mari et un tiers est permise lorsque l’ordinateur d’où ils sont tirés se trouvait sur un bureau de la résidence, qu’il était toujours allumé et accessible sans mot de passe [8].

[32] La question de l’illégalité de la captation du message est donc une question controversée.

[33] Même si l’on admettait que le message a été obtenu illégalement, la partie qui s’objecte à son dépôt doit démontrer, dans une deuxième étape et ce, de façon prépondérante, que sa réception discréditerait l’administration de la justice dans l’esprit d’une personne raisonnable, objective et bien informée.

[34] Dans ce cas, le Tribunal doit évaluer si l’utilisation de la preuve peut porter atteinte à l’équité du procès, si la violation a été commise de bonne foi et si l’administration de la justice ne requiert pas plutôt d’être déconsidérée par l’exclusion d’éléments de preuve essentiels pour justifier une prétention, lorsque la violation de la charte est anodine [9].

[35] Dans une affaire récente [10], la Cour conclut que l’utilisation de communications entre la partie adverse et un tiers est illégale, mais que celle-ci ne considère cependant pas l’administration de la justice.

[36] En l’espèce, la demanderesse a pu avoir accès à la page Facebook du défendeur qu’à cause de la négligence de ce dernier, qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune personne n’aurait accès à sa page personnelle.

[37] Dans un tel cas, l’expectative de vie privée qu’une personne peut avoir est sensiblement réduite.

Pour tous ces motifs, le Tribunal :

Accueille la demande ;

Condamne le défendeur à payer à la demanderesse la somme de quinze mille dollars (15 000 $) avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis l'assignation ;

Condamne le défendeur au paiement des frais de justice.


Dernière modification : le 13 septembre 2017 à 15 h 40 min.