(Extraits choisis)

LA NOTIFICATION DE LA DEMANDE

L’article 56 de la Loi sur la Régie du logement[2] (la Loi) énonce qu’une copie de la demande produite doit être notifiée à l’autre partie.

L’article 7 du Règlement sur la procédure devant la Régie du logement[3] (le Règlement sur la procédure) prévoit les modes de notification ou signification. Cette disposition permet tout mode permettant de prouver la réception de la procédure par la partie adverse.

Au sujet de la notification par un moyen technologique, les auteurs Me Jean-François De Rico et Me Dominique Jaar sont d’avis qu’il y a lieu de référer à la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[4]. Ils écrivent[5] :

« Comme son nom l'indique, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information est une loi « chapeau » qui a amendé nommément plusieurs lois, mais qui a aussi eu pour effet d'amender toutes lois qui traitent de documents et de modes de transmission, incluant le C.p.c. Le législateur a été précurseur en comprenant que l'avènement des TI et la vitesse de leur évolution ne permettraient pas d'amender chacune des lois à chaque avancée technologique. Ainsi, il a favorisé un cadre juridique général qui chapeaute toutes les lois pertinentes pour éviter de recourir à l'amendement législatif de ces dernières. »

Lorsque la notification d’une procédure judiciaire s’effectue par voie technologique se pose la question de déterminer la façon d’établir sa réception par la partie destinataire.

Les auteurs Patrick Gingras et Nicolas Vermeys[6] mentionnent ce qui suit concernant l’article 31 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information:

« b) La preuve de réception

Nous l’avons vu, l’utilisation de communications électroniques pour la transmission de documents est aujourd’hui reconnue comme étant un mode de transmission valide tant par la loi187 que par la jurisprudence188:

Si effectivement l’avis est écrit et envoyé soit par télécopie soit par courrier électronique, il s’agira essentiellement d’une question de preuve quant à l’envoi et la réception et non de validité de l’avis [...]189.

Notons par ailleurs que, en vertu du premier alinéa de l’article 31 de la L.C.C.J.T.I., il existe une présomption à l’effet que cette transmission a lieu dès lors que l’auteur d’un message électronique appuie sur la touche « envoyer » de son logiciel de courriel:

[u]n document technologique est présumé transmis, envoyé ou expédié lorsque le geste qui marque le début de son parcours vers l’adresse active du destinataire est accompli par l’expéditeur ou sur son ordre et que ce parcours ne peut être contremandé ou, s’il peut l’être, n’a pas été contremandé par lui ou sur son ordre.

Cependant, à moins d’avoir accès au compte de l’autre partie190, ou de recevoir un accusé de réception de sa part191, il peut s’avérer ardu d’établir qu’une telle communication a été reçue par le destinataire. À cette fin, il importe de souligner que le second alinéa de l’article 31 de la L.C.C.J.T.I. crée une présomption de réception. » [Notre soulignement] [Citations omises]

Les tribunaux judiciaires reconnaissent la validité d’une notification par voie technologique. Notamment dans les affaires Boivin & Associés c. Scott[7] et Droit de la famille- 132289[8], on autorise la notification par voie de Facebook. »

[13]   Dans le présent cas, il importe de préciser que la question de la preuve de transmission et de réception tant de l’avis d’augmentation de loyer de la locatrice que de l’avis de refus du locataire n’est pas en litige puisque les parties conviennent, de part et d’autre, avoir reçus aux dates indiquées aux courriers électroniques échangés entres elles les courriers électroniques transmis par l’autre.

[14]   La question en litige est plutôt celle de déterminer la date à laquelle le locataire a notifié son avis de refus ou réponse à la locatrice suite à la réception le 13 mars 2018 de l’avis d’augmentation de loyer ?

[15]   Le locataire soutient avoir notifié son refus à la locatrice le 13 mars 2018. tel qu’il appert au courriel transmis à cette date à la locatrice (P-1 en liasse / courriel #4 Mar. 2018-03-13, 18h10) et reçu par cette dernière à cette date.

[16]   Il fait valoir qu’à compter de la réception de son avis de refus, la locatrice avait un mois pour introduire sa demande ce qu’elle n’a pas fait et que le Tribunal doit prendre acte de ce fait et déclarer la demande introduite le 16 avril 2018 irrecevable puisqu’elle a été introduite hors délai.

[17]   De plus, le locataire soumet que bien qu’il y ait eu plusieurs échanges de courriers électroniques entre les parties au sujet du renouvellement du bail et de l’augmentation de loyer de 25,00 $ proposée par la locatrice, il soutient qu’il est clair dans son esprit que le 13 mars 2018, il notifiait sans équivoque son refus à la locatrice, cette dernière accusant réception le même jour.

[18]   En revanche, la locatrice soumet avoir reçu la réponse du locataire le 21 mars 2018 (P-1 en liasse / courriel # 7 Mer. 2018-03-21,13h39).

[19]   L’article 1947 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :

« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au Tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »[9]

(les soulignements sont du Tribunal)

[20]   Le soussigné rappelle que l’avis exigé par la loi est en règle générale générateur de droits. L’expéditeur, en l’occurrence le locataire, une fois qu’il a donné son avis de refus à la locatrice, cette dernière ne peut unilatéralement révoquer l’avis d’augmentation du loyer dûment reçu par le destinataire, le locataire, ni ignoré comme en l’espèce la première réponse du locataire lequel s’est prévalu de son droit de refus en notifiant sans équivoque un avis de refus à la locatrice.

[21]   Selon la prépondérance de la preuve, le Tribunal est d’avis qu’il est démontré que l’avis de refus du locataire transmis par courrier électronique a été notifié et reçu le 13 mars 2018 (P-1 en liasse courriel # 4 Mar. 2019-03-13 18h10) en réponse à l’avis d’augmentation de loyer ou de modification du bail notifié par la locatrice le 13 mars 2018 et reçu par le locataire à cette date.

[22]   Le Tribunal estime que le second avis de refus (P-1 en liasse / courriel #7 Mer. 2018‑03‑21,13h39) notifié le 21 mars 2018 par le locataire et reçu à cette date par la locatrice n’est pas générateur de droits et n’a donc aucun effet juridique entre les parties puisque la preuve démontre que dès le 13 mars 2018, le locataire s’est prévalu de son droit de refus en notifiant sans équivoque un avis de refus à la locatrice.

[23]   La locatrice devait produire sa demande dans le mois de la réception – 13 mars 2018 - de l’avis de refus du locataire soit, au plus tard, le 13 avril 2018.

[24]   Or, la demande a été introduite le 16 avril 2018.

[25]   La demande est donc produite hors délai.

[26]   CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;

[27]   CONSIDÉRANT que le 13 mars 2018, la locatrice a reçu par courrier électronique l’avis de refus du locataire;

[28]   CONSIDÉRANT que la demande a été produite à la Régie du logement le 16 avril 2018;

[29]   CONSIDÉRANT que la demande de la locatrice a été produite hors délai;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[30]   REJETTE la demande de la locatrice.


Dernière modification : le 7 novembre 2018 à 12 h 44 min.